
« Le redressement de la Mauritanie ne viendra ni de ses richesses naturelles ni de slogans politiques, mais de la reconquête de l’État confisqué par le tribalisme, le clanisme et le népotisme. Le combat fondamental n'est pas seulement contre la pauvreté, mais contre une mentalité qui protège la corruption et affaiblit l'idée même de la nation aux yeux de ses citoyens. »
Le drame mauritanien ne tient pas à un manque de ressources, mais à une incapacité chronique à les transformer en prospérité partagée.
Le pays regorge de minerai de fer, d'or, de cuivre, d'uranium, de gaz et de pétrole. Son littoral est poissonneux. Pourtant, la majorité de la population vit dans la précarité, entourée d'infrastructures délabrées et de services publics défaillants.
La richesse, ici, s'est muée en malédiction. Elle alimente les clientélismes, attise les luttes de pouvoir et creuse les inégalités. Ce paradoxe n'a rien d'une fatalité; il est le produit d'une corruption structurelle qui détourne la prospérité potentielle et vide l'État de sa raison d'être qi est autre que servir l'intérêt général.
La corruption n'est plus une exception ; c'est un mode de gouvernance. Elle s'est institutionnalisée en une « économie de la fraude », où la tromperie et la complicité administrative sont érigées en norme.
· Le commerce de la mort : Marchés inondés de médicaments contrefaits et de denrées alimentaires périmées ou toxiques. Cette indifférence officielle ne tue pas seulement des vies ; elle anéantit la confiance des citoyens envers l'État et sa justice.
· Les fondations rongées : Du béton falsifié qui menace les bâtiments, aux routes déchirées et aux hôpitaux déficitaires en moyens, chaque chantier public peut devenir le symbole d'une dérision de l’État. C'est la conscience civique elle-même qui s'effrite, remplacée par des loyautés tribales et familiales où le bien commun n'a plus sa place.
Comment un tel système perdure-t-il ? En s'abritant derrière des structures de pouvoir archaïques – tribus, clans, familles – qui fonctionnent comme des États parallèles, sapant l'autorité de l'État-nation.
-La tribu au-dessus de la loi : Ce qui fut un lien de solidarité est devenu un système de protection pour les corrompus et un canal pour imposer des nominations. La justice perd ainsi sa neutralité, et l'application de la loi dépend du lignage.
-Le clan comme outil d'appropriation : Les postes et les ressources publiques se traitent comme un héritage familial, transformant l'administration en une collection de fiefs où l'intérêt privé prime sur l'intérêt collectif.
-L’État assiégé : Enserrée dans ces logiques, la volonté politique est paralysée. Les organes de contrôle sont inefficaces, et la justice devient un théâtre. Le corrompu ne craint pas la sanction ; il compte sur l'immunité que lui confère son réseau.
La Mauritanie reste ainsi prisonnière d'une réalité aux relents du pré-étatique (Seiba), où la citoyenneté est un appendice de l'appartenance tribale et où l'identité nationale se fragmente en loyalismes locaux.
Le salut ne viendra pas des seules ressources naturelles. Il naîtra d'un sursaut collectif pour restaurer l'autorité morale et la fonction régulatrice de l'État. La lutte contre la pauvreté est indissociable du combat contre la mentalité qui légitime la corruption. Et cela exige :
1. Une volonté politique courageuse rompant avec la culture de la fidélité clanique pour instaurer celle de la responsabilité et du mérite.
2. Une réforme judiciaire en profondeur garantissant l'indépendance des juges et la primauté de la loi pour tous.
3. Le démantèlement des réseaux de pouvoir parallèles par des réformes institutionnelles qui renforcent la transparence et la reddition de comptes.
4. La reconstruction d'une conscience nationale où l'appartenance à la nation mauritanienne surpasse toutes les autres, et où l'intégrité doit forcément une valeur commune et non une exception.
La bataille du développement est d'abord une bataille des consciences. Soit la Mauritanie choisit de se regarder en face et de restaurer le sens de l'État, soit elle continuera à transformer son potentiel en fardeau.
Le renouveau commencera le jour où le pays comprendra que les richesses du sous-sol ne suffisent pas à bâtir une nation et qu'il faut aussi une âme, fondée sur une morale publique, une éthique civique et une foi inébranlable en la justice.
C'est à cet unique prix qu’émergera, contre vents et marrées, de la dignité, de la responsabilité et du véritable redressement une Mauritanie forte, digne et reconciliée.