Comment juguler les crises multiformes au Sahel Colloque régional à Nouakchott sur les dynamiques transfrontaliers au Sahel
Tuesday, 02 Dec 2025 00:00 am

L'Authentique

Nouakchott abrite depuis mardi 2 décembre 2025 un colloque régional sur deux jours portant sur les dynamiques transfrontaliers au Sahel, organisé par l’Institut Manga et la Fondation Konrad Adenauer.

Plusieurs acteurs mauritaniens spécialisés dans les questions des droits de l’homme, de la sécurité et des dynamiques transfrontaliers au Sahel ont échangé sur tous ces sujets avec leurs homologues venus du Sénégal, Burkina Faso, Mali, Niger.

Regards croisés sur le Sahel

La rencontre a été marquée par le mot prononcé à l’ouverture du colloque par l’ambassadeur de la République Fédérale d’Allemagne en Mauritanie, Son Excellence Dr. Florian Reindel, suivi par le mot de la Directrice du Bureau Etat de droit en Afrique Subsaharienne de la Fondation Konrad Adenauer (KAS), Dr. Stefani Rothenberger et celui du Président de l’Institut Manga, Dr. Sall Abdel Aziz, organisateur de l’évènement.

Durant son intervention, Dr. Stefani Rothenberger a rappelé que sur les 20 pays les plus fragiles au monde, 13 se situent au Sahel, lieu de fragilité et d’insécurité. Elle a déclaré que son institution, le KAS accompagne dans cette région des initiatives pour renforcer la sécurité par une meilleure solidarité, magnifiant au passage son partenariat avec l’Institut Manga de Mauritanie.

L’ambassadeur d’Allemagne avait d’ailleurs évoqué dans son discours l’étendue des frontières entre les Etats du Sahel, la difficulté de leur gestion, due en général à la mobilité des populations, le tout exacerbé par les difficultés économiques et la faiblesse des institutions, dont profitent les groupes armés. D’où la nécessité, selon lui, de fortifier la confiance entre les Etats et les communautés, de développer des projets et des stratégies de gouvernance inclusives ancrées dans les réalités locales.

Quant au Secrétaire général de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH), Mohamed Ould Brahim, il a évoqué les campagnes de sensibilisation que mènent régulièrement son institution, notamment dans les zones frontalières.

Plusieurs panels animés par des experts ont permis de faire le tour des problématiques posées au Sahel par la porosité des frontières, la mobilité des populations, la migration, la gouvernance et la criminalité, entre autres.

Contextes et mutations

Le premier panel s’est penché sur les contextes et mutations appliqués sur les dynamiques sécuritaires au niveau des frontières des pays sahéliens. Ce panel a été modéré par l’ancien ministre, Sidi Khalifa, Secrétaire général de l’Association des Maires de Mauritanie. Le panel a été animé par un expert international, le Pr. Zakaria Ousmane, du Centre Tchadien des Etudes Stratégique et de Recherches Perspectives, qui a développé une réflexion sur les opportunités d’échanges et les menaces sécuritaires inter-régionales tout le long des frontières sahéliennes. L’autre panéliste est Dr. Bâ Fatimetou, juriste en droit international, qui s’est penchée sur les flux migratoires et leurs défis sur le plan sécuritaire au Sahel.

Pr. Zakaria Ousmane

Il a évoqué les difficultés rencontrées par les Etats du Sahel en termes de gouvernance territoriale, face à l’étendue de leur géographie et à l’importance de leur masse démographique dispersée sur de vastes étendues. Comme corollaires, la répartition inéquitable des richesses, l’accès difficile aux services administratifs et aux services sociaux de base, la prolifération des bandes armées, la prolifération des groupes séparatistes et la recrudescence des crises identitaires.  

Il a évoqué les crises économiques et les changements climatiques des années 70, l’émergence de l’armée comme acteur politique et l’échec des modèles démocratiques. Dans ce contexte explique-t-il, l’Etat ne joue plus son rôle de protecteur, de bâtisseur et de régulateur. Il devient un proto-Etat dans un monde où, selon Zakaria Ousmane, le droit international ne garantit plus la paix dans le monde.

Dr. Bâ Fatimata

Elle a abordé la problématique de la migration et de la sécurité, entre liberté de circuler et défis sécuritaires, s’attardant sur la typologie du phénomène migratoire. D’emblée, elle a dénoncé la réponse militaire si répandue dans les pays du Sahel au détriment d’une stratégie plus appropriée pour la gestion de la question liée aux réfugiés et aux déplacés, dans un total respect de leurs droits fondamentaux.

Elle a évoqué le cadre normatif qui encadre cette question, aussi bien national qu’international, tout en procédant à une analyse conceptuelle de la situation au Sahel confronté aux menaces terroristes et à la criminalité transfrontalière.

Par rapport à la gestion de la question migratoire, elle a cité l’exemple de la Mauritanie, notamment l’axe Nicaragua par lequel sont passés plusieurs milliers de jeunes Mauritaniens, mais aussi le Sénégal, avec la montée du nationalisme face à la migration guinéenne.

Elle est revenue par la suite sur les dynamiques transfrontaliers, insistant sur l’obligation de respecter la dignité des migrants et de leurs droits humains. Elle a rappelé plusieurs formes de migrations, dont la migration intra-saisonnière, la migration pour raisons économiques, la transhumance entre pays voisins, ainsi que la nécessité de distinguer ces différentes formes de migration pour leur apporter des réponses correspondantes.

Dr. Bâ Fatimata a également évoqué le cas des réfugiés, encadré par un cadre normatif national et international bien défini, mais aussi les problèmes posés aux populations de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) après la sortie de leurs pays (Mali, Niger et Burkina Faso) de l’espace CEDEAO et UEMOA. Elle a posé le problème de l’afflux des réfugiés maliens au camp de MBerra face à la réduction drastique des financements après le retrait de plusieurs bailleurs.

L’experte n’a pas occulté tout ce terreau favorable lié aux crises multiples au Sahel et dans lequel puisent à souhait les groupes armés.

Droits humains et sécurité dans un Sahel en crise

Le deuxième panel a porté sur une question : « comment allier sécurité et défense des droits humains au Sahel occidental dans un contexte de crise ? ». Ce panel, modéré par Amadou Dia, administrateur civil et expert en question sécuritaire, a été animé par Aliou Bâ Coulibaly, Coordinateur national « Publiez ce que vous payez » qui a développé une réflexion sur le rôle et la mission des institutions de droits de l’homme en Mauritanie.

L’autre panéliste était Malick Lingani du Burkina Faso, président de l’ONG Beog-Nere, qui a abordé la question relative à l’apport des organisations de la société civile dans la lutte contre le terrorisme dans un cadre réglementaire dans son pays.

Tous ces panels ont été nourris par l’apport des participants, créant ainsi un climat interactif enrichissant qui a permis de relever les débats.

Le colloque sera clos après trois autres panels prévus mercredi 3 décembre 2025

(A Suivre)

Cheikh Aïdara

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