la guerre au Mali L’attaque de Léré, ou la guerre au Mali vu de Bassiknou en Mauritanie
Friday, 22 Sep 2023 20:00 pm

L'Authentique

Le 17 septembre 2023, la base militaire de Léré, cité malienne située à 120 kilomètres de Bassiknou en Mauritanie, est attaquée par des insurgés membres des mouvements séparatistes azawadiens qui ont repris les armes contre l’armée malienne depuis la rupture des Accords d’Alger de 2015.

Photo archive : l'armée malienne reprend une localité

Selon des sources à Bassiknou, les militaires maliens avaient préféré libérer le camp de la base de Léré et quitter la ville plutôt que d’affronter les assaillants pour éviter un bain de sang parmi la population civile.

La présence des insurgés maliens à Léré sera d’ailleurs de courte durée, car ils ont été délogés quelques heures plus tard. Certains ont parlé de l'intervention de la milice russe Wagner et d'autres, ont évoqué celle de soldats maliens issus des populations locales.

Cette dernière version serait la plus plausible car depuis, un leader brabiche a diffusé des audio où il disait que le plus grand mal leur est venu de leurs frères de sang. Il a lancé dans ce cadre un appel à toute la jeunesse de Tombouctou pour les dénicher et les massacrer.

Mais la ville de Bassiknou, frontalière avec le Mali ainsi que Fassala, fief de la famille Hanana, est devenue une plaque tournante dans cette guerre.

La plupart des blessés de Léré, aussi bien parmi les militaires maliens que parmi les insurgés, ont été transférés pour des soins à Bassiknou et à Nema, pour des raisons purement humanitaires, selon des sources proches du pouvoir à Nouakchott.

Vue dérobée de l'hôpital de Bassinou - Crédit Aidara

La ville de Bassiknou serait devenue ainsi au fil du temps une zone refuge pour les combattants du Nord Mali déguisés en civile, une sorte de zone de repli, permettant à certains pyromanes d’attiser la confusion pour créer un conflit entre la Mauritanie et le Mali.

Il faut dire que l’armée mauritanienne surveille comme du lait sur le feu les 2200 kilomètres de frontière qui séparent les deux pays et ne tolère l’intrusion d’aucune force militaire extérieure.

Certes, des touarègues, maures ou peulhs du Mali, probablement des combattants, peuvent se fondre dans le flux des populations civiles pour se rendre à Bassiknou, ville qui abrite, il faut le rappeler, la plus grande base de réfugiés maliens, le camp de Mberra, plus de 60.000 réfugiés.

Il faut rappeler aussi que la Mauritanie avait refusé de fermer ses frontières avec le Mali, lors du blocus imposé par la CEDEAO, après le dernier coup d’Etat au Mali. Les deux pays sont imbriqués l’un dans l’autre, partageant le même espace sociogéographique et ethnique.

Mais la tension reste très forte sur cette frontière. La présence d’un côté comme de l’autre de puissantes tribus maures comme les Termouz ou les Belide, vivant à mi cheval entre le Mali et la Mauritanie, et qui posséderaient la double nationalité, continue d’alimenter la confusion, selon plusieurs observateurs. Beaucoup de jeunes issus de ces deux tribus sont actifs dans les mouvements azawadiens, comme au sein du commandement malien.

Selon quelques estimations, Bassiknou compte aujourd'hui plus de Maliens que de Mauritaniens. Pour ne rien arranger, l'occupation progressive de la ligne de front par des milices armées maliennes, dont une majorité de maures et de Touaregs, et leurs pendants à Bassiknou, serait porteur de graves dangers pour la sécurité dans la zone.

Il faut cependant souligner que depuis le déclenchement de la guerre multiforme qui secoue le Mali, que cela soit contre les forces armées séparatistes de l’Azawad ou contre les groupes terroristes affiliés à Al Qaida, la Mauritanie a toujours adopté une politique diplomatique assez particulière.

Entrée du centre de santé de Bassiknou - Crédit Aidara

En effet, la Mauritanie a adopté une position prudente car elle partage avec le Mali beaucoup de similitudes. Les ressortissants des deux pays naviguent incessamment entre les deux frontières, aussi bien les éleveurs mauritaniens dont le bétail transhume au Mali, que les Maliens soucieux de poursuivre leurs échanges commerciaux ou à la recherche d’emplois en Mauritanie.

Que ce soit dans le cadre du G5 Sahel, dont la Mauritanie abrite le siège ou sur le plan sous-régional, la position de principe de la Mauritanie est de préserver la paix, en attendant le retour à la stabilité au Mali.

 

Cheikh Aidara
Bassiknou