Birame Dah Abeid : « l’opposition doit aller au dialogue en rang serré et non en rang dispersé »
Birame Dah Abeid à propos du dialogue
- Publié par Aidara cheikh --
- Sunday, 27 Jul, 2025

Au cours de la conférence de presse animée jeudi 24 juillet 2025 au siège de son organisation IRA, le président du mouvement et député à l’Assemblée nationale, Birame Dah Abeid, est revenu sur les raisons de son boycott du dialogue en préparation depuis plusieurs mois.
Face à un parterre de journalistes et de partisans de son organisation, l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), le député Birame Dah Abeid est revenu sous un autre angle par rapport au dialogue.
Au cours d’une conférence animée jeudi 24 juillet 2025 à Nouakchott, il a précisé que le camp de ceux qui ne souhaitent pas d’une Mauritanie démocratique, transparente et respectueuse de ses lois ainsi que de ses institutions sont plus forts que la minorité qui œuvre pour le contraire, car ce sont eux qui détiennent les rennes du pouvoir politique. Il reste cependant convaincu que la part des citoyens mauritaniens qui recherchent des solutions de sortie des crises profondes qui minent le pays et compromettent son développement économique et social sont également nombreux.
S’adressant en particulier aux patriotes, ceux qui sont présents dans les rouages de l’Etat comme ceux qui militent dans l’opposition, il a déclaré qu’il ne refuse pas le dialogue en soi comme seul cadre consensuel et démocratique pour résoudre les problèmes du pays, comme ses détracteurs le véhiculent.
Les vrais dialogues
Mais selon lui, il y a dialogue et dialogue. Il y a, selon lui, des dialogues qui ont abouti à de profondes réformes, comme celui tenu en Afrique du Sud, entre l’ANC et le gouvernement de Prétoria à l’époque, et qui s’est traduit par la fin de l’apartheid et l’élection de Nelson Mandela à la présidence de la République.
Il a aussi cité le dialogue que le Roi Mohamed VI du Maroc avait initié dès son installation sur le trône du Royaume chérifien après le décès de son père, Hassane II, et qui s’est traduit par l’instauration d’une démocratie réelle alors que les opposants étaient pourchassés et emprisonnés.
Il a également cité le dialogue que le président Abdou Diouf avait instauré au Sénégal et qui a permis l’instauration de la première alternance démocratique avec la victoire du principal opposant, Abdoulaye Wade, à la présidence de la République. Un processus qui vaut aujourd’hui au Sénégal un processus démocratique cité en exemple en Afrique.
« Ça, ce sont de véritables dialogues sans simagrées et sans cloche-au-pied » a souligné Birame.
Les faux dialogues
A l’opposé, dira Birame en substance, il y a eu les différents « dialogues » qui ont été initiés en Mauritanie et qui ne servaient qu’à consolider le pouvoir militaire né du coup d’Etat de 1978.
Il a cité dans ce cadre le dialogue initié par le colonel Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya à la fin des années 90 et qui a abouti au coup d’Etat qui l’a renversé en 2003. S’en suivra le dialogue organisé par le CMJD dirigé par Feu le colonel Ely Ould Mohamed Vall et qui a permis l’élection en 2006 de Sidi Ould Cheikh Abdallah, lequel sera renversé 15 mois plus tard par un coup d’Etat militaire fomenté par les généraux Mohamed Ould Abdel Aziz et Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, forts des deux fers de lance de l’armée qu’ils dirigeaient, le Bataillon de la Sécurité Présidentielle (BASEP) et le Bataillon des Blindés (BB).
Il a aussi cité le dialogue de Dakar né de la crise post-présidentielle de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, un dialogue pourtant parrainé, selon lui, par les instances internationales, sous-régionales et régionales sous la conduite du président Abdoulaye Wade du Sénégal.
En finalité, le pouvoir de Mohamed Abdel Aziz a nié ses engagements pris lors de ces fameux accords.
Le dialogue en cours
Aujourd’hui, constate Birame, les acteurs déclarés du dialogue en vue exigent du président Ghazouani la garantie de la mise en œuvre des résultats du dialogue en perspective. Birame trouve que la parole donnée par un Chef d’Etat vaut son pesant d’or tant qu’il reste lui-même digne de confiance. Selon lui, les dirigeants mauritaniens ne donnent aucune valeur à la parole donnée, citant les promesses non tenues du président Ghazouani à son égard.
Il a cité aussi les promesses faites aux lendemains de précédentes élections au cours de dialogues qui se sont avérées fausses, car les conditions réelles de ces élections étaient aux antipodes des engagements qui étaient pris par le pouvoir.
Les raisons du boycott
Ce sont tous ces exemples ci-hauts cités qui font dire à Birame qu’il n’a aucune confiance au dialogue déclaré et qu’il ne peut pas y aller sans des garanties, surtout que le pouvoir refuse de reconnaître son parti, le parti RAG et le FPC. Il a cependant loué la bonne volonté du Coordinateur national du dialogue, Moussa Fall, qui continue selon lui à entretenir les pourparlers avec lui afin de trouver des solutions acceptables pour sa participation.
Selon Birame, le pouvoir de Ghazouani est en train de faire tout le contraire qu’un partenaire sérieux devait poser pour la participation des acteurs politiques au dialogue. Il a cité dans ce cadre, les tracasseries que ses partisans ont subi lors de son retour de voyage aux Etats-Unis et en Europe, le limogeage de son Secrétaire général Hamady Ould Lehbouss de son poste de chargé de mission au ministère de l’Education, et tout récemment, la plainte déposée par le pouvoir mauritanien auprès des autorités sénégalaises pour restreindre ses mouvements dans ce pays.
Par ailleurs, Birame s’est interrogé sur les raisons d’un tel dialogue maintenant, alors que le président Ghazouani avait toujours refusé ce dialogue, soutenant que la Mauritanie ne vit pas une crise pour qu’un tel processus soit envisagé.
Une plateforme commune
Par-delà les expériences passées et la critique qu’il développe par rapport au dialogue en vue, Birame trouve cependant que la présence déclarée de certains opposant mythiques comme Mohamed Ould Maouloud, Ahmed Daddah, Messaoud Ould Boulkheir, Boïdiel Ould Houmoid, et dans une moindre mesure, Mohamed Jemil Mansour, malgré son hostilité, mais aussi Omar Ould Yali et Samba Thiam, sont suffisants pour que des résultats tangibles qui sortiront du dialogue puissent être bénéfiques pour la population mauritanienne.
D’autre part, Birame regrette qu’aucun parti de l’opposition ne l’ait abordé pour discuter de sa participation ou non au dialogue, y compris le président de l’Institution de l’opposition démocratique qui ne l’a contacté qu’aujourd’hui.
Il trouve aussi peu encourageant la volonté affichée du pouvoir de maintenir un climat de tension dans le pays en piétinant ses propres engagements mais aussi les lois de la République, prenant en exemple le refus par le Ministère de l’Intérieur de délivrer les récépissés de reconnaissance aux huit partis récemment déclarés aptes.
Il reproche aussi à l’opposition d’aller en rang dispersé au dialogue, l’invitant à initier un dialogue interne entre les partis qui la composent pour dégager une feuille de route commune. Le dialogue selon lui doit être entre deux blocs, les partis de la majorité et les partis de l’opposition, l’union faisant la force.
Cheikh Aïdara