Cogito : Cher Pays virtuel (4ème PARTIE)
Suite de l'article de l'économiste Chbih Cheikh Mélainine sur la Mauritanie de ses rêves
- Publié par Aidara cheikh --
- Wednesday, 27 Sep, 2023
Par Chbih Cheikh Mélaïnine, ancien ministre, économiste et penseur
Le pays de mes rêves a été diabolisé et me donne une trouille bleue ... ainsi qu'à mes compatriotes désemparés. Il se consume, comme de la paille en feu. La misère, la paupérisation programmée, la concentration et la confiscation des biens, des revenus, la corruption, l'arbitraire sans gants, le bradage des ressources, le chômage endémique, la crise des valeurs, l'absence de repères et la dépravation...
Tous les indicateurs de la décadence et la défiguration sont au rouge et chaque jour que Dieu fait trimballe d'autres malheurs. Je cherche sans espoir de trouver le CHINGUIT des Emirs et le FOUTA des Almamy, mariés depuis l'aube des temps. Ce couple dont l'harmonie témoignait d'une joie et d'un désir affiché de bien "vivre ensemble"... défendait les 2 facettes culturelles d'un dogme Malékite avec une soif de répandre l'Islam dans la région.
Une vie parallèle conduira à terme à une séparation douloureuse. Tiraillée par deux forces centrifuges... entre le marteau du Maghreb et l'enclume de l'Afrique subsaharienne, le pays est envahi par des vagues d'immigrants. Est-on en face d'une double colonisation de peuplement conflictuelle... ?
Devant l'impossibilité de comprendre cette incapacité d'ériger un état et devant cet abandon de notre mode de coexistence...je me suis réservé, clandestinement, le devoir de simuler une Mauritanie à mes goûts... Cette Mauritanie est réalisable sur le plan économique et sur le plan politique...le social découlera comme résultante, en favorisant un retour à nos valeurs séculaires de vraie solidarité et de clémence.
Le pouvoir d'achat
Réduire le chômage de toute forme à moins de 12% serait un levier fondamental de distribution élargie de revenus qui boostera la demande du marché local. Toutefois, les salaires doivent signifier un pouvoir d'achat. Pour garder le même pouvoir d'achat, le salaire doit être indexé sur le Taux de l'inflation effective par année. Ce revenu mensuel doit se baser sur un minimum(SMIG) qui ne peut se définir objectivement par un simple accord entre syndicat et patronat ou une décision gouvernementale.
Pour être juste, et tenant compte d'un seuil de pauvreté fixé à 3 dollars par personne par jour, et d'une famille moyenne de 7 individus, le SMIG se calcule et s'impose...
L'objet est que la famille puisse disposer de 21 dollar par jour, soit environ 750 MRU. Sur cette base, le SMIG est calculé, en considérant que 2 adultes de chaque famille travaillent. Le SMIG est de 11 250 MRU par mois... Il permet à une famille de vivre avec le seuil de pauvreté.
L'état providence que nous désirons doit activer le levier de solidarité sociale qui appuie les familles pauvres qui n'ont pas un revenu régulier, en particulier les cheftaines de familles ayant à élever sans appui plus de 3 enfants ou des orphelins.
Le même appui doit être assuré aux handicapés. Les subventions des produits de premières nécessité doivent être ajustables pour déflater la hausse des prix ...
L'état "glouton" doit réduire son train de vie, caractérisé par toutes sortes de gaspillage et détournements de deniers publics ...
Gonfler perpétuellement le budget se fait aux dépends des citoyens, du marché et des investissements. En effet, la fiscalité déflate le pouvoir d'achat et peut "doper" la hausse des prix. Elle est à même de susciter l' inflation. Combattre l'inflation sans la créer passe par une refonte adaptée de la fiscalité " sans tuer le veau et sans vider la calebasse ".
La TVĄ qui n'est autre qu'une "Taxe sur la Consommation" (TsC) doit être ramenée à un plafond de 8%, et à moins de 3%, pour les produits de première nécessité. Le cordon douanier doit être assoupli, car il n'y aucun honneur à clamer une recette de plusieurs centaines de milliards répercutés sur le consommateur, tassant son pouvoir d'achat.
La fiscalité et parafiscalité sur les hydrocarbures doivent être baissée de 50%. Par contre, d'autres mines de compétitive fiscale peuvent être exploitées, gonflant le budget et instaurant une équité sociale : l’impôt sur la fortune et l’impôt sur la richesse immobilière (bâtie ou vierge), tout en surveillant la hausse des loyers.
L'état providence doit veiller à la gestion de ses nécessaires entreprises par un contrôle permanent et un choix motivé des membres des conseils d'administration et des directeurs.
La société d’électricité (Somelec), la Société nationale des eaux (Snde), les ports et le laisse- faire du privé, et en particulier des entreprises de communication, contribuent à l'inflation, en soutenant la hausse spéculative des prix.
Une politique clémente des prix est faisable si l'état se désengage de la protection intéressée de nos "Capitaines (pas d'industrie) de Commerce".
La détermination du système de formation des prix est trop sérieuse et potentiellement insurrectionnelle pour être laissée aux commerçants. Un service du commerce soutenu par les douanes et les statistiques des ports doit déterminer le coût CIF ou CF du produit importé, tout en veillant à protéger nos produits locaux similaires.
Ainsi, on peut contenir ou juguler une hausse de prix, souvent argumentée comme d'origine extérieure. Parallèlement, le Ministère doit se doter d'une agence indépendante de « Poids, de Mesures et de Traçabilité ».
Achetons nous aujourd'hui, un vrai kilogramme de riz, un véritable litre de lait ou d'eau ou d'essence, un kilowatt-heure, un mètre d'Ezbi...?
Sans cette agence, la baisse des offres de tout produit mesurable est une hausse déguisée des prix. La baisse des prix des denrées de première nécessité, celles des hydrocarbures, des consultations médicales, des médicaments génériques et de certains autres services...
Cette panoplie de mesures stabilisera, remarquablement, le taux d'inflation. Ce soutien du consommateur, par une volonté de l'état de protéger le pouvoir d'achat ne nécessite que des mesures faisables qui ne dérangeront qu'une oligarchie composée de prédateurs économiques et de leurs parrains.
Conclusion de l’approche économique
Conclure serait un parcours de combattant que je ne peux assurer pour un ensemble de raisons objectives et subjectives.
Je tenais, en m'appuyant sur la problématique du chômage, des revenus et du pouvoir d'achat, en visitant certains secteurs de notre économie, de me faire rêver à une Mauritanie, certes virtuelle, mais ayant tous les atouts pour être et contenir un peuple clochardisé, par une oligarchie sans aucun pedigree.
Ce groupe de moins de 200 familles a été créé ex-nihilo par les privilèges octroyés par des pouvoirs mafieux. J'ai omis certains secteurs comme l'Industrie, oubliée par les gouvernants incapables de définir une stratégie de développement de cette activité : pas d'industrie lourde, pas de substitut-import, pas d'industrie légère...Et pas de volonté de transformation de nos ressources Minières.
Le gouvernement devrait encourager ce secteur en créant des sociétés de substitut-import : Industries de biscuiteries et certaines conserves pour protéger la santé du citoyen contre les produits périmés cancérigènes. Nous sommes la poubelle alimentaire du monde…et nos commerçants, les éboueurs des grandes épiceries en faillite du monde.
Le gouvernement qui a souvent protégé les « pharmaciens » doit liquider le faire-valoir de la CAMEC et constituer avec l’ensemble des « commerçants » de médicaments, une Industrie de Médicaments génériques.
L’état doit détenir au moins 33% pour endiguer tout velléité de trafic (poids, nature) des molécules.
L'infrastructure aussi, a été omise pour son incapacité à jouer un rôle structurant de l'économie, malgré le volume des financements, et surtout, les dettes qui prennent le peuple et ses futures générations en otages.
Appréhender la dette par rapport au PIB, c'est cacher des réalités plus amères. En effet, la comparaison doit se limiter à la dette par habitant. Je ne fais pas campagne contre la dette, mais je me permets de distinguer deux types de dette : -
-Une dette développante, qui permet de financer des projets capables au moins de générer le service annuel de cette dette. Et tout apport supplémentaire boostera la croissance.
-Une dette destinée à la consommation, au fonctionnement ou à des détournements. Cette dette, qui ne génère aucun moyen de remboursement, est néfaste.
Son remboursement se fera par une ponction sur les moyens budgétaires, réduisant les possibilités d'affectation vers les investissements sociaux et la croissance. L'infrastructure, dans son état actuel, se résume aux routes non praticables, aux barrages défectueux et à des centres urbains érigés en grosses « Kebba » désarticulées et sales.
Avec une Gouvernance plus proche du citoyen, dont il est le bénéficiaire principal, nous pouvons créer une autre Mauritanie ...
En dernier lieu, on peut affirmer que nous possédons les moyens de notre émancipation et celles de satisfaire nos citoyens. La Gouvernance traditionnelle est notre handicap majeur qui se traduit par la concentration du Revenu National entre les mains d'une oligarchie qui "broute" tout et réduit nos citoyens à la marginalisation paupérisante.
La bonne gouvernance passe par la volonté de ceux qui nous gouvernent d'arrêter le transfert du pouvoir d'achat des citoyens pour engraisser une poignée de privilégiés.
Faut-il relire ce qui est écrit plus haut en définissant la répartition équitable des revenus comme objet fondamental, garant d'une justice sociale ?
Faut-il supprimer un ensemble de structures (Hautes Autorités, Projets, Taazour, CSA et le Conseil économique et social) qui, non seulement ont montré les limites de leurs actions, mais aussi, dépossèdent les départements ministériels de leurs prérogatives pour faciliter les manipulations des moyens financiers ?
Faut-il revoir et définir les missions de gestion des conseils d'administration, réduits à des "charges" octroyées pour satisfaire des clients", dont certains ne peuvent pas lire un bilan ?
Le Président et les membres de ces conseils sont souvent à la solde d'un directeur général, qu'ils sont censés diriger, orienter et contrôler.
Parmi ces conseils d’administration, dont certains présidents font des mandats illégalement renouvelables, certains sont là depuis plus d'une décennie. Bien qu'il soit responsable, le conseil est rarement poursuivi en cas de malverserions ou d'aliénation des biens de la société.
Les commissaires aux comptes, obligatoires et très couteux, répètent pendant leurs mandats le même disque...Et les procédures comptables servent à mieux camoufler les agissements financiers de l'entreprise.
La bonne gouvernance ne peut se faire sans une réduction rigoureuse, suivie et contrôlée du train de vie de l'état (salaires, émoluments, voyages, fêtes, réunions et mauvaises affectations des budgets à des structures sans rentabilité).
A suivre…