Le discours prononcé par le député Birame Dah Abeid, lors d’un rassemblement de ses partisans devant le siège de l’Union européenne à Bruxelles, a suscité la levée de boucliers habituelle des « chiens de garde » du régime mauritanien. Un tonnerre d’aboiements qui emplit les réseaux sociaux, à qui mieux mieux. Hormis la réaction tout à fait naturelle du parti INSAF qui est dans son rôle invétéré de défendre urbi et orbi les bêtises sempiternelles du régime en place, toutes les autres sorties enregistrées sont celles de laudateurs, qui à la recherche d’une perche pour une promotion, qui pour mériter la reconnaissance qui lui est faite, qui pour des raisons bassement pécuniaires ou pour un renvoi d’ascenseur. Aucune réaction par contre dans l’intérêt de la Mauritanie et pour sa plèbe qui ploie depuis plusieurs décennies sous le poids de la misère et de la pauvreté.
Quel élément nouveau est contenu dans le discours de Birame Dah Abeid, si ce ne sont les mêmes vérités qu’il n’a eu cesse de marteler ici en Mauritanie, et jusqu’à l’intérieur du prétoire de l’Assemblée Nationale. N’a-t-il pas évoqué au sein de l’hémicycle le sort des jeunes émeutiers de Kaédi froidement assassinés à l’intérieur de la brigade de gendarmerie ? Mieux, dans cette intervention enregistrée et qui circule sur le net depuis des lustres, il a ajouté parlant des jeunes de Kaédi, devant le ministre de l’Intérieur, « leurs bourreaux sont là ». Cette intervention a-t-elle suscité des réactions ? Il a aussi évoqué à plusieurs reprises le cas du jeune Mangane assassiné au cours d’une manifestation à Maghama, tout comme celui du jeune tué à Boghé, l’assassinat de Abou Diop et de Souvi…le dossier pudiquement dénommé « Passif humanitaire ». Tout cela n’est pas nouveau.
Qu’est-ce qui a changé ? Ha, il l’a dit devant le parlement européen à Bruxelles. Suffisant pour qu’il soit traité de traitre à la nation, qu’il soit accusé de vouloir attiser un conflit racial, et qu’il soit traité de tous les noms d’oiseau. Que l’on cherche sa tête et qu’il soit jeté en pâture, d’aucuns se donnent même le droit de parler au nom d’une certaine communauté prétendument visée.
En réalité, et ce que ces aboyeurs du dimanche semblent oublier, c’est que le linge sale de la Mauritanie est depuis des lustres déjà lavé et repassé sur la scène internationale. Qu’il s’agisse du problème récurent de l’esclavage et de ses séquelles, de l’appauvrissement programmé de la population, du sabotage volontaire de tous les programmes de développement, de l’ostracisme voulu des régions du Sud du pays, du pillage à ciel ouvert des ressources du pays, de l’effeuillage systématique du budget de l’Etat, de la justice à double vitesse, de l’impunité accordée à des groupes de privilégiés, le chômage massif des jeunes, les arrestations arbitraires sous la coupe de lois liberticides, les emprisonnements tous azimuts de tous les lanceurs d’alerte, des journalistes et blogueurs.
A toute cette meute, il est clair qu’ils ne peuvent se prévaloir d’un patriotisme plus grand que celui du président Birame Dah Abeid dont le sacrifice qu’il consent au détriment de sa quiétude et celle de sa famille est incontestable. Leurs courses effrénées vers la diabolisation ne font qu’amplifier davantage l’aura et la popularité d’un homme qui a préféré suivre la voie difficile des grands combattants de la liberté que celui de la facilité et des combats feutrés des petits laudateurs de salon qui ont choisi les tirs à balles blanches dans leurs chambres climatisées.
Cheikh Aïdara