Le rapport annuel 2022–2023 de la Cour des comptes dresse un constat alarmant sur la gestion financière et administrative du ministère mauritanien de la Santé. Il révèle des dépassements budgétaires de plusieurs milliards d’ouguiyas, des contrats passés sans respect des règles des marchés publics, et des programmes sanitaires mal exécutés.
Avec un budget de 4,66 milliards d’ouguiyas en 2021, dont 4,38 milliards effectivement dépensés, le ministère affiche un déficit de 278 millions d’ouguiyas. Des fonds ont été détournés vers des usages étrangers à la mission sanitaire, souligne la Cour.
Parmi les irrégularités, la passation directe de contrats, notamment un marché de 165 millions d’ouguiyas avec MS MEDIC, et des accords avec T2S proches de 3 millions de dollars, assortis de retards de livraison dépassant 1300 % sans pénalités. Des dépenses non justifiées ont aussi été constatées, comme 2,6 millions d’ouguiyas pour un accident de la route ou 40 millions versés à une société pharmaceutique hors cadre.
L’accord avec le laboratoire suisse Roche, pour des médicaments contre le cancer et l’insuffisance rénale, accuse un manque de documentation sur la réception des produits et un retard de paiement de plus de 71 millions d’ouguiyas.
Des équipements médicaux, dont des stations à oxygène, financés à hauteur de plusieurs dizaines de millions, sont souvent défectueux ou inutilisés, tandis que des générateurs neufs ont été achetés pour un hôpital déjà doté.
Le programme de santé reproductive n’a utilisé que 77 % de son budget, faute d’une base de données fiable, et le programme de sécurité routière, doté de 63,7 millions d’ouguiyas, souffre d’un manque de planification et de la disparition inexpliquée de matériel.
La Cour des comptes appelle à une réforme urgente, renforçant le contrôle interne et la récupération des fonds détournés, pour rétablir la transparence et protéger les finances publiques du secteur de la santé.
Le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a reçu mardi, au palais présidentiel de Nouakchott, le rapport annuel général de la Cour des comptes, remis par le président de la Cour, Hemeyda Ould Ahmed Taleb.
Le rapport contient les principales observations et recommandations issues des missions de contrôle effectuées par la Cour des comptes au cours des années 2022 et 2023, comme l’a confirmé le président de la Cour dans une déclaration à la presse après la réunion.
Le président de la cour a déclaré que celle-ci avait publié son rapport annuel pour la première fois, dans le cadre d’une démarche qui « traduit son engagement en faveur de la continuité et de la transparence », selon ses propres termes.
Il a précisé que la Cour avait commencé à exercer ses compétences judiciaires, en commençant par l’évaluation de ses politiques publiques, parallèlement au développement de ses capacités humaines.
Ould Ahmed Taleb a ajouté que la Cour avait créé « un centre de formation et de perfectionnement, recruté 15 juges, adopté des réformes institutionnelles et professionnelles, publié un décret d’application de la loi organique et élaboré un manuel de contrôle harmonisé conforme aux normes internationales ».