Les blessures de « l’héritage humain » continuent de saigner dans un silence douloureux, comme si elles refusaient de guérir, ou comme si le temps lui-même conspirait avec l’oubli pour en atténuer la douleur sans jamais les cicatriser.
Des dizaines de soldats mauritaniens ont été exécutés sans procès. Des milliers de citoyens ont été déportés de force vers le Sénégal et le Mali, non pas pour un crime commis, mais simplement pour leur appartenance ethnique. Ces années sombres restent une page noire de l’histoire nationale — un moment de rupture du pacte moral entre l’État et ses enfants — lorsque l’appartenance à la patrie est devenue une faute, une marque d’humiliation ou une condamnation à mort.
Aujourd’hui, plusieurs décennies plus tard, la vérité demeure enfermée dans les tiroirs, et les familles des victimes attendent toujours une justice qui se fait attendre. Elles espèrent que l’État reconnaîtra ce qui s’est réellement passé, qu’il nommera enfin les choses par leur nom, et qu’il osera croiser le regard de ces mères dont les larmes n’ont jamais séché, de ces enfants devenus adultes avec une question sans réponse : « Pourquoi a-t-on tué mon père ? »
Éviter la justice dans de tels dossiers n’est pas un acte de sagesse politique ; c’est la prolongation du crime dans un silence officiel accablant. L’absence de responsabilité ne signifie pas l’oubli, mais la complicité. Fuir le passé, c’est préparer les fractures de demain.
Ce dossier ne se ferme pas par des discours ni par des compensations financières. Il se résout par la vérité, la justice et la réconciliation sincère. Le président de la République doit avoir le courage historique d’ouvrir un dialogue national inclusif, pour faire éclater la vérité, désigner les responsabilités, et permettre à ceux qui ont fauté d’expliquer leurs actes devant le peuple — non par esprit de vengeance, mais pour réparer la mémoire déchirée d’une nation qui cherche la paix avec elle-même.
L’héritage humain n’est pas un dossier politique qu’un simple décret peut clore. C’est une épreuve morale pour la conscience de tout un peuple. Tant que nous n’aurons pas affronté ce passé avec courage, nous resterons prisonniers de la peur de la vérité, dans un pays qui maquille ses blessures au lieu de les soigner.
Un pays ne peut se relever tant qu’une partie de ses enfants se sent trahie par la justice, et que l’État censé les protéger a été leur bourreau. Seule la justice peut rétablir la confiance, et la véritable réconciliation commence par la reconnaissance, non par l’oubli.
Ce qu’il y a de plus effrayant dans cette affaire, ce n’est peut-être pas ce qui s’est passé… mais tout ce qui n’a pas encore été dit.
Paix aux âmes des victimes, et malédiction sur tous les bourreaux.
Mohamed Abdarahmane Ould Abdallah
Journaliste – Nouakchott