
En marge du « Festival Taragalt » de M’Hamid Ghizlane de Zagora au Maroc (31 octobre-2 novembre 2025) avec notre ami Brahim Sbai, nous l'avons rencontré. Il a joué avec les plus grands, et dans les trois plus grands orchestres du continent, « Les Ambassadeurs » et le « Rail Band » du Mali » ainsi que le « Bembeya Jazz » de la Guinée. Il connaît Monza, accorde un grand respect à Maalouma Mint Meydah et à la défunte Dimi Mint Abbah qu’il a rencontrée au Festival du Désert à Tombouctou. Notre regard se porte sur l’un des plus grands artistes du continent, le Malien Cheick Tidiane Seck, qu’on appelle aussi « Le Guerrier ».

De son nom de scène, Cheick Tidiane Seck, celui qui à l’état-civil s’appelle Cheick Amadou Tidiane Seck, est l’un des artistes africains le plus connu à l’international. Un nom qui sonne Sénégalais, ce qui fera dire au début des années 80 à Allé Seck s'adressant à Youssouf NDour « nous l’avons vendu aux Maliens, car Cheick Tidiane est pour nous Sénégalais Rek ! ». En réalité, il est Malien, né à Ségou, de parents toucouleurs, sénoufo et malinké, parlant toutes ses langues plus le bambana (bambara).
Jeunesse et enfance
Cheick Tidiane Seck est né au début des années 50 sur les berges de Ségou, aux bordures du fleuve Niger. Il a grandi entre Boubou-Dioulasso, Sikasso et le Royaume Sénoufo, le fief de sa mère. Après, il est parti à Koutiala et dans d’autres localités du Mali avant d’atterrir dans un cours normal privé et catholique. C’est là où il dit avoir rencontré l’harmonium, et son coup de cœur pour l’instrument. Il commence à l’apprendre ainsi que le solfège. Il devint, dans ses années de collège, un passionné de musique.
Les Beaux-arts à Bamako
Il fréquenta par la suite l’Institut des Arts de Bamako où il apprit la peinture, puisqu’il en savait déjà assez dans le domaine de la musique. Après son diplôme des Beaux-arts, il enseigna la peinture pendant quatre ans au Lycée Badalabougou, le lycée le plus important au Mali dans les années 70. Dans la même période, il a aidé son ami d’enfance Amadou Baghayoko à intégrer « LES AMBASSADEURS ». Il rejoint par la suite Mory Kanté au « RAIL BAND », alors que son ami, Salif Keïta partait aux « AMBASSADEURS ».
L’enseignement
« Voilà comment je suis devenu musicien-peintre, mercenaire de la musique », lâcha-t-il avec humour. Il était devenu du coup fonctionnaire de l’Etat dans la mesure où il faisait partie du « RAIL BAND » de Bamako, l’orchestre de la Régie des Chemins de fer du Mali. Les Laba Sosseh, Alla Seck, y étaient passé aussi, selon lui.
Le départ vers la Côte d’Ivoire
En 1978, il décide de quitter le Mali sur un télégramme de Salif Keïta, son ami, qu’il rejoindra en Côte d’Ivoire. Il intègre « LES AMBASSADEURS » et créé les « ASSELA », l’orchestre qui fut désigné meilleur album de la musique africaine en 1982. Il avait avec lui Alassane Soumano, Jacob Soubeiga et Mahamane Tandina.
Il fera par la suite partie du mythique orchestre « BELIER ANDRALEX » où jouait le père de Didier Arafat (Paix à son âme), Pierre Houon, un excellent musicien, ainsi que son oncle Doh Albert avec qui il fera « MOYA », un tube qui a connu un grand succès dans la sous-région.
Salif Keita et lui ont continué leur chemin ensemble. Il rappelle qu’en 1977, il a été clavier de Jimmy Cliff durant son concert au Mali. Ce qui lui avait donné l’ambition d’aller voir ailleurs.
Explorer la France
Quand il quitta la Côte d’Ivoire pour aller en France, il rencontra plusieurs musiciens de tous bords. Des Caribéens, des Camerounais, ainsi que d’autres artistes originaires de toute l’Afrique. Il rencontra aussi des musiciens arabes. Il commença à devenir un arrangeur, recherché par beaucoup de tendances en matière de musique. C’est le cas de son aîné, Manu Dibango (Paix à son âme) dont il arrangea quelques albums.
Chez l’Oncle Sam
Aux Etats-Unis, il fit la connaissance de plusieurs célébrités américaines comme Bobby Watson et Didier Garnier, etc. Jusqu’à sa rencontre avec Gram Haynes, le fils du batteur de Charlie Parker, Roy Haynes. Ils ont joué ensemble à Paris, avec une transition à Brooklyn à New York. Il passa une après-midi avec Tony Plastico et Catfisch. En sortirons, deux albums salués par la critique. Dans la même période, il rencontre Steve Colman. Puis, un hommage à Sonora avec l’ancien tromboniste Craig Harris qui a déjà joué avec Sonora.
Salif Keïta et Hank Johns
Il continue son parcours tout en jouant avec Salif Keïta. Ils firent ensemble l’album « AMEN », bien après l’album « SORO » en 1986.
Mais la rencontre qui allait changer vraiment la donne fut celle de Hank Johns, l’ancien pianiste de Charlie Parker né en 1918. C’est lui personnellement qui a choisi Cheick Tidiane Seck. Il lui demanda même d’écrire les mots de ce mythique album, il y a trente ans de cela. C’est « SARALA » sorti en 1995 et qui a beaucoup changé sa carrière. L’album a été reçu comme le meilleur de la décennie et est resté longtemps dans les bacs du FLAC. Après cet album, beaucoup de musiciens de Jazz se sont rapprochés de Cheick Tidiane Seck. Avant cela, il y avait l’album « AMEN » avec Salif Keïta qui avait connu un grand succès. Il va présenter Paco Seri, Richard Bona, etc.
L’arrangement de plusieurs albums
Au sortir de l’album « SARALA », universellement signé pour trois albums, des artistes maliens de renom vont lui confier l’arrangement musical de leur album, comme Sori Bamba, de la culture dogon, Kassé Mady Diabaté, la grande voix du Mandé, et dans la foulée l’album « SEYA » de Oumou Sangaré. Pour elle, c’était sa meilleure vente.
Il continua, après ses trois albums, bien accueillis par la profession, car Cheick dit qu’il n’est pas quelqu’un qui pense en termes de Hits mais les albums ont continué de garder sa maison et il a continué de tourner un peu partout.
Le rassembleur
En 2005, il fait venir le « RAIL BAND » devant la gare de Lyon en France, en invitant Mori Kanté. Ils y animèrent un show terrible. La même année, il conduit 300 musiciens dans le Stade Seyni Kountché de Niamey, au Niger, avec son ami Souleymane Koli (Paix à son âme).
En 2006, il a dirigé 200 musiciens dans le stade de Lomé pour la réconciliation du peuple togolais.
Il a continué son bonhomme de chemin avec la production de trois albums. En 2003 « MANDINGROOVE », en 2008, l’album « SABALI » où il invita Oumou Sangaré et plusieurs autres artistes. En 2013-2014, l’album « GUERRIER » où il joua tous les instruments.
Après toutes ses tournées et productions prolifiques, il a participé à divers projets, parrainant un festival au Mexique, le festival « OLLIN KAN » où il eut la latitude de jouer devant 120.000 personnes.
Opinions politiques
Politiquement, Cheick a toujours lutté contre les injustices et défendu les peuples ; Il a même été incarcéré sous le règne du président Moussa Traoré pour ses positions. C’était à l’époque où on l’appelait Che Guevara. D’ailleurs, il se réclame toujours du Guévarisme. Il se dit de tendance de gauche par ses opinions et se dit proche de Karl Marx et dénonce la mauvaise application du Marxisme. Entre le capitalisme et le socialisme, le choix est vite fait car il considère le capitalisme ne s’intéresse qu’aux gains au détriment de toute déontologie et de tout humanisme. Cheick signe et persiste qu’il est politique car dans ses chansons, il défend ses idées, comme dans « Universalo » où il appelle à arrêter de créer un monde où le peuple n’est jamais invité à la table des décisions. Et de rappeler à ces grands détenteurs de pouvoir « n’oubliez pas que nous sommes la mélodie éternelle de l’Afrique ».
Par rapport à la jeunesse
Cheich Tidiane Seck est dans le renforcement de capacités des jeunes musiciens comme au Burkina Faso depuis 2017 où au moins, sept de ses anciens élèves volent aujourd’hui de leurs propres ailes. Ce sont aujourd’hui des artistes reconnus qui font des tournées en Europe et partout. Il a aussi formé des jeunes au Mali et en France où beaucoup de jeunes artistes sont sortis de son école. Le guitariste de Salif Keïta et directeur de sa troupe Dimba Konaté, ses parents le lui avaient confié quand il avait quatre ans.
Il est allé en 2024 au Niger pour la formation de 20 formateurs pour dix-neuf jours. Il s’est retrouvé avec soixante formateurs. A la fin des 19 jours, tous ont crié que la formation était courte. Quand il rencontra en février de la même année le ministre nigérien de la Culture, ce dernier lui a dit « Maestro, écoutez, vous n’avez fait que la première mi-temps, le match n’est pas terminé encore ! »
Il fut par la suite le parrain du plus grand évènement culturel du Burkina Faso au cours duquel il fut distingué au grade de Chevalier des Arts et de la Communication. C’était au cours de la Semaine nationale de la culture (SNC) en présence de 700.000 festivaliers et 3.000 artistes en compétition.
Cheikh Aïdara
M’Hamid Ghizlane (Zagora) Maroc