Mauritanie-FMI, repenser les relations Le FMI et nous : quelles perspectives s’offrent à la Mauritanie
Thursday, 13 Nov 2025 00:00 am

L'Authentique

Le FMI et les autorités mauritaniennes saluent une économie "résiliente", avec une croissance de 5,2% en 2024 et tous les objectifs quantitatifs du programme atteints. La croissance a été évaluée à 6% en 2025, suite à la visite récente d’une délégation du fonds à Nouakchott il y a quelques semaines, alors que les prévisions parlaient d’un ralentissement autour de 4 à 4,2%, principalement à cause du secteur extractif, remettant en cause la diversification et la robustesse réelle de l'économie.

Le programme permet des décaissements importants (environ 49,8 millions de dollars récemment) pour soutenir la stabilité macroéconomique et financer des réformes structurelles.

Les recommandations (flexibilisation du taux de change, intensification de la collecte fiscale) sont perçues comme des mesures standardisées, déconnectées des réalités locales et qui peuvent frapper les ménages. Il y a surtout cette recommandation sur la levée des subventions sur les hydrocarbures qui pourraient être déstabilisateur pour le pays, car cette mesure frappe directement le pouvoir d’achat des populations déjà très éprouvées.

Les réformes visent, selon le FMI, à renforcer la discipline budgétaire, la transparence des entreprises publiques et la lutte contre la corruption, en s'alignant sur les "normes internationales". Seulement, les détracteurs du FMI y trouvent une pression exercée sur le gouvernement pour se faire rembourser ses dettes plus vite sans tenir compte du poids social des réformes recommandées.

Le FMI est par ailleurs critiqué pour son "aveuglement" face à la persistance de détournements massifs et d'une impunité dans l'administration, saluant des progrès de gouvernance qui restent superficiels aux yeux de certains critiques.

Un programme spécifique (instrument de résilience et de durabilité) est destiné à améliorer la capacité du pays à faire face aux chocs climatiques. Discours paternaliste et infantilisant, trouvent certains, car pour eux, le dialogue avec le FMI est perçu comme une relation où l'institution impose son agenda, transformant les gouvernants en "exécutants dociles" et confisquant le débat sur le modèle de développement.

Le poids de la dette et le point de non-retour

L’interrogation sur une rupture après les annulations de dette des années 2000 est très pertinente. Cependant, les données montrent que la situation de la dette a considérablement évolué :

La dette extérieure de la Mauritanie s'élevait à 4 209,6 millions de dollars US à la fin 2023. Ce niveau est bien supérieur au plus bas historique de 1 248,3 millions de dollars US atteint en 2007, juste après les allègements de dette. Cela indique que le pays s'est de nouveau fortement endetté.

Ainsi, contre certaines voix qui prônent une rupture avec les institutions de Brettons Wood, dans un tel contexte de surendettement, rompre unilatéralement avec les institutions financières qui sont des créanciers majeurs priverait le pays d'un accès crucial à des financements et pourrait isoler économiquement le pays, rendant le refinancement de la dette encore plus difficile.

Le contexte géopolitique plus large

Il est important de replacer la situation de la Mauritanie dans un cadre global. Aujourd'hui, ces institutions (FMI, Banque Mondiale) font face à une concurrence géopolitique, notamment de la Chine avec son initiative "Belt and Road". Cela offre théoriquement plus de choix aux pays en développement.

Cependant, comme le note un rapport de l'Atlantic Council, les prêts chinois ont aussi été critiqués pour leur manque de transparence et les clauses parfois onéreuses, conduisant à de lourds problèmes d'endettement dans des pays comme l'Angola ou la Zambie. Face à cela, les programmes du FMI, bien que contraignants, s'inscrivent dans un cadre multilatéral et restent, pour de nombreux gouvernements, un partenaire structurel difficile à éviter.

Un dilemme persistant

En résumé, il est difficile de trancher de manière définitive. D'un côté, la relation avec le FMI n'est pas un "malheur" purement négatif : elle apporte une aide financière immédiate, une forme de caution internationale et un cadre pour des réformes. De l'autre, les préoccupations soulevées par certains sur les conditions contraignantes du FMI sont fondées.

Les conditionnalités peuvent en effet avoir un coût social, et l'impression que les politiques sont dictées de l'extérieur plutôt qu’issues d'un débat national démocratique est un problème réel, documenté par des voix critiques en Mauritanie.

La vraie question n'est peut-être pas de rompre totalement, mais de savoir comment renforcer la capacité nationale à négocier et adapter ces programmes pour qu'ils servent prioritairement les intérêts des citoyens mauritaniens, tout en luttant efficacement contre les faiblesses de gouvernance interne.

Il est effectivement possible pour un pays de repenser sa relation avec le FMI, et des voix s'élèvent même pour une réforme globale du système de Bretton Woods. Cependant, quitter ces institutions est une décision complexe qui comporte des risques économiques majeurs, comme en témoignent les discussions autour d'autres unions monétaires.

Contexte mauritanien et poids de l'histoire

Certains nostalgiques évoquent l’avant-1984 quand la Mauritanie évoluait loin des institutions internationales et que les choses semblaient se passer à merveille. Pourtant, les études ont montré que la décennie 1970-1980 a été marquée par de graves déséquilibres économiques. À la fin des années 70 et au début des années 80, la situation était qualifiée de "catastrophique" : le PIB baissait, l'inflation était élevée et le déficit commercial se creusait.

Le pays était pris dans un cycle d'endettement/emprunt, où de nouveaux prêts étaient nécessaires pour rembourser les anciennes dettes. C'est dans ce contexte qu'un premier programme de redressement agréé par le FMI a été mis en place, au moins dès juillet 1987. Le gouvernement d'alors, dirigé par le Colonel Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya qui avait pris le pouvoir en 1984, a donc opté pour cette voie pour stabiliser l'économie.

Une marge de manœuvre réelle mais limitée

En conclusion, si une rupture pure et simple avec les institutions de Bretton Woods semble une option très risquée et peu réaliste à court terme, une refonte profonde de la relation est non seulement possible mais nécessaire.

La priorité pour la Mauritanie pourrait résider dans un effort double. En interne, renforcer la bonne gouvernance et la transparence pour éviter que l'aide financière ne soit gaspillée. Sur la scène internationale, s'allier avec d'autres pays en développement pour peser en faveur d'une réforme des règles et des pratiques du FMI, afin que les programmes soient mieux adaptés aux réalités nationales et moins coûteux socialement.

Cette réflexion a été menée avec l’aide de l’IA.