
Free The Slave (FTS), une ONG américaine implantée sur plusieurs continents, a organisé les 21 et 22 novembre 2025 à Nouakchott, un atelier d’information et de cartographie des actions communes et complémentaires des acteurs de la société civile et des journalistes face à l’esclavage moderne, la traite des personnes et le trafic des migrants.

Une trentaine de journalistes et d’acteurs de la société civile active dans les droits humains ont participé vendredi 21 et samedi 22 novembre 2025 à Nouakchott à un atelier d’échanges et de concertations autour des questions liées à l’esclavage moderne, à la traite des personnes et au trafic des migrants. Cet atelier a été organisé par l’ONG américaine Free The Slave (FTS) en collaboration avec l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes et le trafic des migrants, relevant du Commissariat aux droits de l’Homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile.
Les journées ont été marquées par la présentation de trois communications, des travaux de groupe et la constitution de deux réseaux, un pour les journalistes et l’autre pour la société civile.
Rappel général, lois, conventions et définitions
La première journée a connu deux présentations. La première, présentée par Cheikh Aïdara, journaliste spécialiste des questions sur l’esclavage, a porté sur un rappel des définitions de l’esclavage moderne, de la traite des personnes et du trafic des migrants contenus dans les conventions internationales et dans les textes nationaux.

Ces définitions sont en effets contenues dans plusieurs instruments juridiques internationaux, tels que la Convention de 1929 sur l’esclavage, la loi de 2007 et celle de 2015 adoptées en Mauritanie, où la pratique a été élevée au rang de crime contre l’humanité, jugé imprescriptible et universel.
Ce rappel était nécessaire pour quelques-uns des nouveaux participants qui n’ont jamais pris part aux précédentes formations organisées par FTS durant les années passées. Cela permettait également aux anciens activistes de rafraîchir les esprits, avant que l’exposant n’aborde les questions spécifiques liées à la Loi 031-2015 criminalisant l’esclavage et les pratiques esclavagistes, ainsi que ses avancées par rapport à la Loi 2007-048 considérée comme mal ficelée par rapport à la gravité du crime.
Quant à l’esclavage moderne, ou travail forcé, il rappelé que cette pratique est encadrée par la Convention 029 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) de 1930 qui définit le travail forcé comme « tout travail ou service exigé d’une personne sous la menace d’une sanction, pour lequel elle ne s’est pas portée volontaire ».

Cette forme d’exploitation est aussi prise en charge dans le Code du Travail mauritanien et dans la loi sur l’esclavage de 2015. La Convention 029 de l’OIT ratifiée par la Mauritanie, dispose aussi d’un Protocole additionnel, celui de 2014, et dont la Mauritanie est le 2ème pays signataire en Afrique.
La traite des personnes est encadrée par plusieurs conventions, dont la Convention de Palerme de 2000 et d’autres conventions, et au niveau national, par la Loi 2020-017 du 7 juillet 2020. Cette loi protège aussi les migrants contre toute forme de trafic. Alors que la traite de personnes se distingue par un acte, un moyen et une fin, le trafic de migrants porte sur l’entrée illégale d’une personne dans un pays tiers.
Rôle des journalistes
La deuxième communication, présentée par Mehdi Lemrabott, journaliste expérimentée sur les questions objets de l’atelier, a été beaucoup plus interactive. Elle a abordé la question liée au rôle des journalistes dans la lutte contre l’esclavage moderne, la traite des personnes et le trafic des migrants.

Ici le débat s’est installé quant à l’obligation de neutralité ou non du journaliste dans le traitement des questions liées aux trois thématiques citées. Si certains considèrent que le journaliste doit traiter en toute objectivité les faits en prenant ses distances par rapport aux différents acteurs, d’autres trouvent que le journaliste doit exprimer sa position en faveur des victimes. Fut évoqué dans ce cadre les notions de ligne éditoriale, de la confusion entre journalisme et le militantisme, de la sacralité des faits et de l’engagement contre l’injustice.
Les deux présentations ont été suivies par un débat au cours duquel les participants aguerris à ces différentes thématiques ont livré leurs propres expériences de terrain.
Rôle de la société civile
La deuxième journée a consisté en une communication présentée par Mbaye Oumar sur le rôle de la société civile par rapport aux sujets abordés, à savoir, l’esclavage moderne, la traite des personnes et le trafic des migrants.
Il a évoqué dans ce cadre la centralité du rôle de la société civile dans le traitement des trois thématiques abordées, l’importance du rôle de complément qu’elle joue dans les programmes et politiques mis en œuvre par les autorités pour combattre ces fléaux. Il a parlé aussi des défis que rencontre la société civile dans l’accomplissement de sa mission, manque de moyens aussi bien financiers qu’humains, absence de synergie entre ses acteurs, obstacles d’ordre social et culturel, tabous...

Les opportunités ouvertes à la société civile ont aussi été mentionnées, telles les facilités offertes par les Nouvelles technologies de la communication et de l’information, notamment les réseaux sociaux, l’apport des médias et de la presse, l’existence de sources de financement à capter, l’utilité d’impliquer les jeunes et les femmes, mais aussi les leaders religieux et communautaires, l’intérêt de se forger une crédibilité pour gagner la confiance des partenaires nationaux et internationaux, notamment les autorités, les victimes et les communautés.
Enfin, les journalistes regroupés en groupe de travail ont formulé leurs attentes par rapport à la société civile et vice-versa. Chacun des deux groupes a par la suite dégagé un plan d’action avec deux à trois activités à mettre en œuvre.
La clôture de l’atelier a été marquée comme à son début par un mot du représentant de FTS en Mauritanie, M. Dame Bâ, qui a remercié les participants venus de plusieurs organisations nationales des droits humains, comme SOS Esclaves, Association de Lutte Contre la Dépendance (ALCD), l’Initiative de Résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH), Ganbaanaxo, etc.
Cheikh Aïdara