S.E. Aïchatou Boulama Kané considère «comme nulle et non avenue» la décision des militaires auteurs du coup d’état, et continue de se considérer comme l’ambassadrice légale du Niger en France, envoyée en mission par le «président légitime Mohamed Bazoum». Quelques heures, auparavant, le CNSP (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie) venait de la démettre de ses fonctions (plutôt très juteuses), au profit de son conseiller nommé chargé d’affaire, en même temps que trois autres de ses homologues : les ambassadeurs du Niger à Washington, à Abuja et à Lomé.
La notification des putschistes «de mettre fin à (mes) fonctions je la considère comme nulle et non avenue ; elle a été prise par un pouvoir illégitime, je suis l’ambassadrice du Niger en France», récite, comme une élève de la maternelle, la diplomate, en poste en France depuis décembre 2021. On a besoin de lui demander : vraiment ? Pense-t-elle qu’il s’agit d’une décision prise à la légère parce que le putsch comme le disent à longueur de journées les Occidentaux et leurs médias (dont RFI et France 24 du reste suspendues de diffusion au Niger jusqu’à nouvel ordre comme c’est déjà le cas au Mali et au Burkina Faso) n’est pas reconnu par la « communauté (dite) internationale » ?
Le coup d’état fomenté au Niger est condamnable. Mais, il est le résultat de l’inconséquence de la CEDEAO, qui est une organisation à dissoudre et à reconstruire entièrement. Car comme l’a déclaré le président du Liberia, l’ancien footballeur, George Weah, « Tant que la CEDEAO tolérera les coups d’état institutionnels (changements des constitutions pour mettre le nombre de mandats à zéro, ndlr) qui permettent les présidences à vie, il y aura des coups d’état militaires. Et on ne peut pas condamner des coups d’état militaires lorsqu’on ne condamne pas ceux qui font des coups d’états institutionnels. La CEDEAO devrait travailler pour l’intérêt de nos peuples ». George Weah a tenu ces propos lors du Sommet de la CEDEAO, en septembre 2022, sur le Mali et la Guinée. Afrique Education continue de dire avec force que l’Afrique a des gros problèmes parce que ses chefs d’Etat refusent de poser les véritables questions, qui exigeraient de trouver les véritables réponses. On préfère tourner en rond, autour du pot. Au lieu d’enlever la crasse du col de la chemise, on préfère enlever la poussière. On y est en plein au Niger.
Que les chefs d’Etat de la CEDEAO sachent qu’ils n’ont pas l’accord de la majorité des Africains pour intervenir militairement au Niger et que le peuple du Niger dans sa majorité soutient le CNSP. Qu’ils nous épargnent un autre bain de sang et une déstabilisation à la libyenne dont le Niger n’a pas besoin. Ce sont les mêmes (France, Etats-Unis, OTAN) qui avaient détruit la Libye (sans l’accord des Africains), qui sont aujourd’hui en flèche pour détruire le Niger. Après le désastre libyen, les Africains refusent que le Niger soit le prochain sur cette liste. Que la CEDEAO désigne une médiation crédible pour négocier avec le CNSP qui a les moyens militaires de résister à son intervention militaire. D’autant plus que le Niger sera épaulé par le Mali et le Burkina Faso comme ils l’ont (démocratiquement) déclaré. Mohamed Bazoum (que d’aucuns appellent déjà le « président de l’étranger ») aurait intérêt, pour montrer à ceux qui l’accusent de ne pas être Nigérien, de siffler cette fin de la récréation en ne laissant plus ses amis occidentaux parler en son nom. Qu’il démissionne. Et s’il refuse, que la CEDEAO tourne sa page.
Aïchatou Boulama Kané l’ambassadeur dont veut toujours la France mais que le CNSP a déjà récusé.
Il ne faut pas avoir peur de lancer une mise en garde au président, Bola Tinubu, dont l’élection a été fortement contestée au Nigeria et finalement validée par l’organe électoral parce qu’il était le candidat du parti au pouvoir, ce qui fait que la Haute Cour de justice du Nigeria est en train d’examiner son cas, à la demande des autres candidats, qui ne reconnaissent pas sa victoire. Il n’est pas exclu que son élection soit invalidée. Que Bola Tinubu ne vienne pas mettre l’Afrique de l’Ouest à feu et à sang, car il conforterait les rumeurs qui affirment qu’il est le candidat des Occidentaux à la tête du Nigeria. Et là aussi, ça apprendra aux Africains d’élire des milliardaires à la tête des Etats car on ne sait jamais pour qui ils roulent vraiment.
Professeur Paul TEDGA
est docteur de l’Université de Paris 9 Dauphine (1988)
Auteur de sept ouvrages
Fondateur en France de la revue Afrique Education (1993).
https://www.afriqueeducation.com/coup-detat-au-niger-pourquoi-la-cedeao-dit-oui-aux-coups-detat-institutionnels-et-non-aux-coups-detat-militaires-deux-poids-deux-mesures/