La cour des comptes a publié ce vendredi son rapport sur les opérations de contrôles effectuées au cours des trois années 2019, 2020 et 2021, faisant état de « failles et de dysfonctionnements ayant affecté la transparence et les capacités dans la gestion des deniers publics ».
Ce rapport de 250 pages a été publié après avoir été remis au président de la république Mohamed O. Cheikh El Ghazouani par le président de la cour, comme le prévoit la loi mauritanienne.
Les équipes de la cour des comptes a effectué des contrôles dans certaines institutions dont le ministère des affaires sociales, de l’enfance et de la famille, le ministère de l’environnement et du développement durable, le fonds spécial pour la solidarité sociale et la lutte contre la pandémie du corona virus et le bureau des douanes chargé des conteneurs au port autonome de Nouakchott.
Cette opération a concerné également le contrôle des opérations de l’agence nationale du registre de la population et des titres sécurisés en sa qualité d’établissement public à caractère administratif.
Le rapport ajoute que les missions de contrôle se sont rendues dans au commissariat à la sécurité alimentaire, la société nationale d’électricité (SOMELEC) la société nationale pour l’aménagement agricole et des travaux et la société nationale des forages et des puits, projet Dhar.
La conclusion de ce rapport fait état d’observations dont la plus importante est l’existence de dysfonctionnements fondamentaux dans les systèmes des contrôles internes dans les institutions visitées.
Ces insuffisances, selon le rapport, concerne le cumul entre des fonctions contradictoires, l’inaction des commissions intérieures des marchés, les inspections et les directions chargées des contrôles et de l’audit interne, la faiblesse des systèmes de coordination et de suivi.
Il y a également un vide dans les textes juridiques et organisationnels, la faiblesse des systèmes comptables, la gestion des hydrocarbures et les magasins, l’absence de justificatifs et de procédures et leur mise à jour, des insuffisances au niveau du système des données et l’inactivation des structures organisationnelles.
La cour a conclu que « ces lacunes portent atteinte à la transparence et à l’efficacité de la gestion des fonds publics », notant dans le même contexte qu’« il existe de nombreuses violations des lois et règlements régissant la disposition des deniers publics »
Elle a cité comme exemples de ces violations, ce qu’elle a qualifié de « l’irrespect du système de passation des marchés publics, notamment en ce qui concerne le recours à la concurrence, le respect des cahiers des charges, l’application des pénalités de retard, l’exigence de garanties et le respect des délais contractuels ».
La cour des comptes a relevé l’octroi de dons en l’absence de bases juridiques, l’utilisation illégale des véhicules de projets et l’imputation sur les projets de charges qui n’ont rien à voir avec l’objectif pour lequel ils ont été créés.
Elle a lié cet agissement à ce qu’elle a appelé un élargissement dans le concept de l’appui institutionnel figurant sur le budget du projet et qui est réservé à l’autorité de tutelle.
Pour la cour des comptes ces dysfonctionnements constatés font craindre un irrespect par les institutions soumises au contrôle des principes fondamentaux d’intégrité et de responsabilité dans la gestion des ressources publiques.
Dès l’arrivée au pouvoir en 2019 du président Ghazouani, la cour des comptes avait publié les rapports de la cour des comptes gardés secrets pendant dix ans.
Ces derniers temps, bon nombre d’activistes dans les rangs de l’opposition avaient réclamé la publication des rapports de la cour des comptes pour 2019, 2020 et 2021.
Le rapport de la Cour des Comptes a confirmé que le Ministère des Affaires Sociales, en date du 12/03/2020, a passé un contrat avec le Bureau d’orientation des Consultations en vue de réaliser une étude de faisabilité pour la Banque Familiale, et la valeur du contrat s’élève à 1.000.000 MRU, dont 50% ont été payés.
Le rapport, qui couvre les années 2019-2020-2021, indique que la sélection de ce bureau s’est basée sur l’étude de seulement deux offres concurrentielles, contrairement aux exigences du Code des marchés publics, qui stipule la collecte et l’étude d’au moins trois offres concurrentielles.
Le rapport souligne que l’étude et l’évaluation des offres en vue d’étudier la faisabilité de cette banque familiale, pour laquelle un montant de 1.000.000 MRU a été alloué, ont été confiées à une commission différente de la Commission Interne des Achats, nommée par l’ancien Secrétaire Général, et dirigée par une chargée de mission au sein du Ministère. Le Président de la Commission Interne en est membre.
Le rapport indique que la Cour des Comptes a constaté une forte ingérence du Secrétaire général dans les pouvoirs de la Commission des marchés publics, ce qui est incompatible avec les dispositions du décret réglementant le Code des marchés publics, qui stipulent que la Commission interne des marchés publics et des contrats est la seule habilitée à effectuer tous les achats inférieurs au plafond alloué.
Le rapport souligne l’existence d’un contrat exclusif et injustifié liant le Ministère à une clinique privée. D’ailleurs cette dernière assure les services de dialyse pour plus de 100 patients atteints d’insuffisance rénale, qui y sont dirigés par l’administration de l’Hôpital National, en vertu d’un accord entre cet hôpital et la clinique.
Le rapport relève qu’« aucune justification n’a été trouvée pour que ce service reste exclusif à cette clinique pendant toutes ces années ».
La valeur des factures cumulées de la clinique au cours de l’année 2020 s’est élevée à 23.237.200 MRU, ce qui représente environ 45% des frais de prise en charge des malades atteints d’insuffisance rénale, qui sont plus de 800 personnes.