Campagne nationale pour la planification familiale en Assaba, au sud de la Mauritanie : Barkéol, dernier bastion de résistance

campagne sur la planification familiale

campagne PF

« A Barkéol, imams de mosquée et religieux continuent à se liguer contre la politique d’espacement des naissances. « Quelques femmes venaient nous voir en cachette pour demander des produits contraceptifs » affirme Seydi Camara, Présidente de l’Association des Femmes Volontaires pour le Développement (AFVD), fer de lance de la Campagne nationale pour la planification familiale, initiée en novembre 2022 par le Ministère de la Santé, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) à Nouakchott et en Assaba.

Que cela soit à Kiffa, au PK 70, à Daghveg ou à El Ghaira, les femmes de l’Assaba (région du sud de la Mauritanie) ont répondu massivement à la Campagne nationale sur la planification familiale initié par le Ministère de la Santé. Cette campagne se fait avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA). L’objectif : réduire la mortalité maternelle et néonatale. Cette campagne vise à favoriser la transition démographique en Mauritanie, dont I’Indice synthétique de suivi du Dividende Démographique (ou DDMI pour demographic dividende monitoring index) s’élève à plus de 46%, ce qui en fait le taux le plus élevé parmi les 7 anciens pays membres du SWEDD (le projet d’autonomisation des femmes et de capture du dividende démographique au Sahel, à savoir : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger, et Tchad). Aujourd’hui, ils sont 12 pays, avec cinq autres nouveaux pays (Sénégal, Tchad, Gambie, Togo, Congo).

« Nous avons mené une excellente campagne, même les hommes se sont impliqués. Certains d’entre eux venaient pour prendre des produits contraceptifs pour leurs épouses » affirme Seydi Camara, Présidente de l’AFVD, l’ONG recrutée par l’UNFPA pour mener la campagne sur la planification au niveau de la Wilaya de l’Assaba.

La preuve, 418 nouvelles bénéficiaires ont été recrutées à Kiffa sur un total de 493 utilisatrices, 58 sur 73 au PK 70, 121 sur 122 à El Ghaira et 62 sur 72 à Daghveg.

Barkéol, bastion de résistance

C’est à Barkéol, bastion de résistance contre la planification familiale, où les tentes dressées par l’AFVD et ses bénévoles ont été les plus désertées, selon Seydi Camara. « Seules 29 femmes nouvelles ont été recrutées sur 57 utilisatrices dans cette Moughataa. Les femmes venaient en cachette pour s’informer ou se ravitailler en produits contraceptifs. Ici, la croyance aux paroles des érudits est encore très forte. Ces derniers sont intransigeants sur le caractère illicite de la contraception. Et rien ne les y détourne, même les arguments avancés par leurs autres collègues imams » affirme-t-elle.


Seydi Camara

Malgré tout, selon les résultats obtenus, la moisson semble satisfaisante pour une première campagne sur la planification familiale dans les Wilayas de Nouakchott et de l’Assaba. En Assaba, quelques 688 nouvelles femmes sur 917 utilisatrices, ont été ainsi recrutées.

Au PK 70, les prestataires de l’AFVD, deux sages-femmes et trois infirmiers, disent toute leur satisfaction par rapport à la forte mobilisation communautaire. Comme à Daghveg, « des hommes sont venus pour prendre des produits contraceptifs pour leurs épouses qui n’ont pas pu faire le déplacement » explique l’un des prestataires.

Les défis restent énormes

« Nous sommes presque en rupture de stocks et il nous faut disponibiliser rapidement des contraceptifs » avance Seydi Camara, qui cite le cas de El Ghaïra où la rupture était consommée et où il a fallu lancer de nouvelles commandes. Elle a déploré par ailleurs la forte mobilité du personnel de santé dans la région de l’Assaba.

« On forme du personnel et le temps qu’il devienne productif, on les affecte pour amener un nouveau personnel qu’il faut former… Ce qui fait que nous sommes dans un perpétuel recommencement, enfermé dans une quadrature du cercle qui bloque l’évolution des indicateurs » regrette-t-elle.

Parmi les faiblesses relevées lors de la campagne, l’insuffisance des stocks de produits contraceptifs dans la diversité de leurs gammes, le problème de formation du personnel en matière de planification familiale, un manque notoire de personnel qualifié, sans compter le manque de matériel pour la pose et le retrait des implants.

Changer de stratégie

Selon Seydi Camara, présidente de l’AFVD, l’ONG s’est également beaucoup investie dans le domaine de la communication. Plusieurs projets ont été lancés : des campagnes de sensibilisation tous azimuts, l’animation de plusieurs émissions radios en langues nationales à partir des stations locales et la présentation de sketchs sur les bienfaits de l’espacement des naissances. Cerise sur le gâteau, l’association a produit une belle chanson musicale, devenue l’hymne de la campagne !

« Pour le cas complexe de Barkéol, où l’on constate une résistance contre la planification familiale, il faudra initier une stratégie spécifique, par exemple, mener une campagne de distribution silencieuse des produits contraceptifs, organiser au niveau local un colloque sur la PF en présence de médecins, de sociologues, de religieux convaincus par la politique d’espacement des naissances » a suggéré Dr. Dieng, assistant technique du programme du fonds humanitaires d’urgence des Nations Unie (CERF).

Il faut souligner que les autorités administratives, sécuritaires et médicales, ainsi que les élus de l’Assaba, se sont tous fortement mobilisés lors de l’ouverture de la campagne et durant tout son déroulement, au niveau des principaux sites de campagne.

Cheikh Aïdara